01/09/1997

Ma puberté

1997. J’ai 13 ans et je suis en classe de 5ème. C’est l’année qu’a choisi mon corps pour passer en mode puberté : pilosité, acné, et bien sûr sexualité. Un fin duvet noir fera bientôt office de moustache et des boutons quadrilleront en rangs serrés mon visage. Ces boutons, je ne le savais pas encore à ce moment-là, m’accompagneront jusqu’en fin de seconde.

Jusque-là, ma sexualité – au sens large – se résume à trouver certaines filles jolies. À part quelques bisous qui datent de la maternelle et dont je n’ai qu’un très vague souvenir, je suis nettement plus intéressé par jouer au foot, à la paume et aux billes dans la cour, délirer et s’inventer des vies avec mes trois meilleurs potes, collectionner les cartes Magic et ne surtout pas louper Dragon Ball Z ni le Catch le mercredi à la télé. Passer du temps avec une fille pour autre chose que rigoler ensemble ne m’intéresse pas. Pour vous dire, à cette époque, je m’étonne bêtement de voir mon sexe grandir « par magie » quand je le décalotte pour le laver ! Mais tout cela allait fortement changer.

Beaucoup d’hommes racontent avoir découvert leur maturité sexuelle en trouvant à leur réveil les draps mouillés de sperme. Ce n’est pas mon cas ; tout du moins, si ça m’est arrivé, je ne m’en suis jamais aperçu. Non, moi, c’est par frottement sur le matelas que j’ai commencé à ressentir du plaisir. N’allez pas croire que c’était prémédité, j’en aurais été bien incapable. À cette époque, Internet n’existe pas vraiment : il me semble qu’on a eu notre 1ère connexion internet 56k – avec le modem qui chantonne pour se connecter – quand j’étais en classe de 3ème ; je n’ai reçu aucune éducation sexuelle (je vous ai déjà dit que je ne savais pas ce que c’était que bander ?) ; bref je suis proprement candide. Mais j’ai toujours mis un temps fou à m’endormir, me tournant et me retournant encore dans mon lit jusqu’à finalement partir dans les bras de Morphée. Je ne dors pas sur le ventre mais pas loin, trois-quarts de côté si vous voulez. Mon sexe, donc, frotte innocemment sur le matelas. Et ça commence à me plaire. Eh bien, croyez-le ou pas, c’est comme ça que j’ai eu mes premiers orgasmes. Mes premières branlettes n’en étaient pas vraiment. Je ne me souviens plus du moment exact mais j’ai mis des mois à réaliser que la main était un outil plutôt efficace pour arriver au même résultat.

À partir de là, les hormones étant ce qu’elles sont, j’ai multiplié cette activité ma foi très plaisante pour en faire un rituel quotidien. L’imagination humaine est très puissante, mais avoir un support visuel pour s’adonner à ces plaisirs solitaires facilite grandement les choses. N’ayant rien de ce genre à disposition à la maison, j’ai dû me fournir à l’extérieur. Et visiblement je n’étais pas le seul avec ce besoin puisqu’un camarade de classe a eu la bonne idée de commencer un « trafic » de photos érotiques. Son grand-frère, je ne sais trop comment, avait accès à des photos de Gillian Anderson (l’inspectrice sexy dans X-Files) en sous-vêtements !! Il les imprimait, en noir et blanc – certainement une limitation de son matériel – et mon copain nous les vendait discrètement dans la cour. Je ne me souviens pas du prix mais ça devait être 10 francs la photo noir et blanc imprimée au format A4. Et oui, j’en ai acheté quelques-unes. Et ça m’a fait pas mal de soirées.

À un moment il a tout de même fallu diversifier et améliorer mes sources. J’ai pris mon courage à deux mains et je suis allé chez un vendeur de journaux sur le chemin de la maison en rentrant du collège. J’ai d’abord passé une éternité devant le stand des revues érotiques et pornographiques, à me demander si le buraliste allait accepter que j’achète un de ces magazines ou s’il allait me faire la leçon et m’afficher pour ce qui aurait été à coup sûr une des pires humiliations de ma vie ; j’ai vérifié et revérifié encore et encore que personne dans la boutique ne me connaissait ; j’ai pesé le pour et le contre, et j’ai finalement acheté… un Fluide Glacial… Alors c’est sûr, c’est pas Playboy, mais pour moi c’était déjà pas mal. Même qu’il y avait des BD de Manara à l’intérieur, et ça c’était beaucoup mieux que pas mal. En écrivant ces lignes, je me rappelle très bien d’une de ces BD qui m’avait marqué, Kamasutra, dans laquelle Lulu, pour se sauver elle et l’héroïne principale, passe un défi dans laquelle elle doit montrer que l’orgasme n’est pas une fin en soi, un objectif à atteindre égoïstement le plus rapidement possible. Faire jouir son partenaire lui ferait d’ailleurs perdre l’épreuve. Voici le texte de la BD : « Certains se retranchent sur les terres arides de leur propre égoïsme. Ils ne pensent qu’à leur bien-être personnel sans se soucier de leur partenaire. Ils ne pensent qu’à conclure, prendre leur plaisir, atteindre l’orgasme le plus rapidement possible. Le désir n’est pas une gêne à éliminer avec l’orgasme mais une jouissance en soi qui doit être entretenue et cultivée. Tu devras allumer chez le Shadu la flamme du désir le plus intense mais fais bien attention : si tu le fais parvenir à l’orgasme, c’est que tu as échoué ! ». En y repensant, et en ayant en tête où j’en suis aujourd’hui dans ma sexualité, cette histoire résonne de manière très spéciale en moi. Un exemple frappant de l’effet papillon.

Information intéressante : le programme télé m’avait gentiment indiqué que tous les dimanches soir sur M6, peu avant minuit, était diffusé un téléfilm érotique. Par chance, j’avais une petite télé dans ma chambre. Seul bémol, ma chambre était en fait notre chambre, que je partageais donc avec mon petit frère. Nous dormions dans des lits superposés, moi au-dessus. Une fois l’heure de début du téléfilm arrivée, j’allumais la télé du haut de mon lit et je matais le téléfilm – pas toujours en entier, vous m’aurez compris – tout en guettant que mon frère ne se réveille pas ou que mon père, qui se couchait très tard, ne passe dans le couloir devant notre porte de chambre et remarque la lumière de l’écran allumé par l’entrebâillement de la porte. À la moindre alerte, j’éteignais la télé en catastrophe, le cœur battant, et j’attendais quelques minutes avant de rallumer. À ma connaissance, mon petit manège hebdomadaire est passé inaperçu aux yeux des autres habitants de la maison. La « qualité » des téléfilms était très variable, globalement assez décevante. D’autant qu’avec un petit écran, d’assez loin, et sans le son, ça rend moins bien. Si bien qu’un peu plus tard, j’attendais que minuit passe et que mon père se couche pour me rendre dans le salon et profiter d’une télé beaucoup plus grande, mais surtout d’une chaîne bien plus « intéressante » : XXL. Mon père avait voulu prendre le bouquet TV contenant la chaîne « Chasse et Pêche » ; alors certes, mon père aimait la pêche, mais personne n’était dupe de la manœuvre car le bouquet contenait surtout XXL, chaîne pornographique qui s’activait le soir à minuit. Ainsi, j’ai profité quelques soirs de cette chaîne, mais finalement assez peu, déjà parce que les vrais programmes « intéressants » ne commençaient pas à minuit pile mais plutôt vers 2h du matin, et ça fait quand même tard ; ensuite parce que c’était nettement plus risqué comme mission commando : si quelqu’un se levait à ce moment-là, j’étais cuit à coup sûr ; enfin, il s’est passé quelque chose qui m’a définitivement refroidi : une nuit, j’ai regardé un film porno sur cette chaîne, et j’ai appris quelques jours plus tard que ma mère avait lancé le même soir sur notre magnétoscope un enregistrement d’un programme sur une autre chaîne. Sauf, qu’en regardant XXL, mon visionnage avait pris le dessus sur l’enregistrement, si bien que ma mère, au beau milieu de son thriller, a vu l’histoire changer du tout au tout. Pire, elle me l’a montré – pas entièrement, évidemment, juste le passage où l’ambiance change brusquement – en me disant que c’était sûrement papa qui avait dû regarder un film porno pendant l’enregistrement. J’ai bien sûr lâchement fait comme si j’étais d’accord avec elle, et je crois que c’est passé. Heureusement, de nos jours, il y a internet pour tout ça !

En prenant petit à petit confiance chez le marchand de journaux, j’achète également de temps en temps le magazine érotique Entrevue, contenant tout un tas de photos de femmes, parfois des stars, plus ou moins dénudées. Il faut dire qu’au niveau des relations « réelles », c’est le calme plat. Non pas que ça ne m’intéresse pas. Au contraire. Mais je suis un garçon maigre, boutonneux, style premier de la classe. Je manque clairement de confiance en moi et je n’ai pas encore développé cet humour qui est une de mes forces aujourd’hui. Bref, pas vraiment le genre de garçon qui attire les filles au collège. Du coup, j’ai la chance d’avoir quelques années tranquilles pour me focaliser sur ma technique d’autosatisfaction… A posteriori, je n’irai bien sûr pas jusqu’à prétendre que c’était mieux comme ça, mais je pense que ça m’a permis de développer fortement mon imagination en la matière. En bien ou en mal, cette période a posé les premières briques de ma pensée sexuelle et créé mes premiers fantasmes. Elle a joué un rôle décisif dans ma vie, sexuellement et au-delà.

DD

DD

J'approche de la quarantaine, j'explore, je raconte.

Laisser un commentaire

Articles similaires

Catégories